Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
BLEU.

Ciel ! quelles nouvelles ! Truitonne, l’indigne Truitonne sur le point d’épouser le roi ! Florine pensa mourir ; elle n’eut plus de force pour parler ni pour marcher : elle se mit sous une porte, assise sur des pierres, bien cachée de ses cheveux et de son chapeau de paille. « Infortunée que je suis, disait-elle ! je viens ici pour augmenter le triomphe de ma rivale, et me rendre témoin de sa satisfaction ! C’était donc à cause d’elle que l’Oiseau Bleu cessa de ne venir voir. C’était pour ce petit monstre qu’il faisait la plus cruelle de toutes les infidélités, pendant qu’abîmée dans la douleur, je m’inquiétais pour la conservation de sa vie ! Le traître avait changé ; et se souvenant moins de moi que s’il ne m’avait jamais vue, il me laissait le soin de m’affliger de sa trop longue absence, sans se soucier de la mienne. »

Quand on a beaucoup de chagrin, il est rare d’avoir bon appétit ; la reine chercha où se loger, et se coucha sans souper. Elle se leva avec le jour, eile courut au temple ; elle n’y entra qu’après avoir essuyé mille rebuffades des gardes et des soldats. Elle vit le trône du roi et celui de Truitonne, qu’on regardait déjà comme la reine. Quelle douleur pour une personne aussi tendre et aussi délicate que Florine ! Elle s’approcha du trône de sa rivale ; elle se tint debout, appuyée contre un pilier de marbre. Le roi vint le premier, plus beau et plus aimable qu’il eût été de sa vie. Truitonne parut ensuite richement vêtue, et si laide, qu’elle en faisait peur. Elle regarda la reine en fronçant le sour-