LE PRINCE
LUTIN
l était une fois un roi et une reine qui n’avaient qu’un fils, qu’ils aimaient passionnément,
bien qu’il fût très-mal fait. Il était aussi gros
que le plus gros homme, et aussi petit que le
plus petit nain. Mais ce n’était rien de la laideur
de son visage et de la difformité de son corps,
comparaison de la malice de son esprit : c’était
une bête opiniâtre qui désolait tout le monde.
Dès sa plus grande enfance, le roi le remarqua
bien ; mais la reine en était folle ; elle contribuait
encore à le gâter par des complaisances
outrées, qui lui faisaient connaître le pouvoir
qu’il avait sur elle, et pour faire sa cour à cette
princesse, il fallait lui dire que son fils était
beau et spirituel. Elle voulut lui donner un nom
qui inspirât du respect et de la crainte. Après
avoir long-temps cherché, elle l’appela Furibon.
Quand il fut en âge d’avoir un gouverneur, le roi choisit un prince qui avait d’anciens droits sur la couronne, qu’il aurait soutenus en homme de courage, si ses affaires avaient été en meilleur état ; mais il y avait long-temps qu’il n’y pensait plus : toute son application était à bien élever son fils unique.