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LE PRINCE

Il n’a jamais été un plus beau naturel, un esprit plus vif et plus pénétrant, plus docile et plus soumis : tout ce qu’il disait avait un tour heureux et une grâce particulière : sa personne était toute parfaite.

Le roi ayant choisi ce grand seigneur pour conduire la jeunesse de Furibon, il lui commanda d’être bien obéissant ; mais c’était un indocile que l’on fouettait cent fois sans le corriger de rien. Le fils de son gouverneur s’appelait Léandre : tout le monde l’aimait. Les dames le voyaient très favorablement : mais il ne s’attachait à pas une. Elles l’appelaient le bel indifférent : elles lui faisaient la guerre sans le faire changer de manières il ne quittait presque point Furibon : cette compagnie ne servait qu’à le faire trouver plus hideux. Il ne s’approchait des dames que pour leur dire des duretés ; tantôt elles étaient mal habillées ; une autre fois elles avaient l’air provincial. Il les accusait devant tout le monde d’être fardées. Il ne voulait savoir leurs intrigues que pour en parler à la reine, qui les grondait ; et pour les punir, elle les faisait jeûner. Tout cela était cause que l’on haïssait mortellement Furibon : il le voyait bien, et s’en prenait presque toujours au jeune Léandre : « Vous êtes fort heureux, lui disait-il, en le regardant de travers ; les dames vous louent et vous applaudissent, elles ne sont pas de même pour moi. — Seigneur, répliqua-t-il modestement, le respect qu’elles ont pour vous les empêche de se familiariser. — Elles font fort bien, disait-il, car je les battrais comme plâtre ; pour leur apprendre leur devoir. »