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LUTIN

cotine et celui du perroquet avaient fait tant d’impression sur la princesse ; il la regardait avec un plaisir qui lui fit oublier ses sermens de n’aimer de sa vie : il n’y avait aussi aucune comparaison à faire entr’elle et la coquette Blondine. « Est-il possible, disait-il en lui-même, que ce chef d’œuvre de la nature, que ce miracle de nos jours, demeure éternellement dans une île, sans qu’aucun mortel ose en approcher ! Mais, continuait-il, de quoi m’importe que tous les autres en soient bannis, puisque j’ai le bonheur d’y être, que je la vois, que je l’entends, que je l’admire, et que je l’aime déjà éperdûment ? »

Il était tard, la princesse passa dans un salon de marbre et de porphyre, où plusieurs fontaines jaillissantes entretenaient une agréable fraîcheur. Dès qu’elle fut entrée, la symphonie commença, et l’on servit un souper somptueux. Il y avait dans les côtés de la salle de longues volières remplies d’oiseaux rares dont Abricotine prenait soin.

Léandre avait appris dans ses voyages la manière de chanter comme eux ; il en contrefit même qui n’y étaient pas. La princesse écoute, regarde, s’émerveille, sort de table, et s’approche. Lutin gazouille la moitié plus fort et plus haut, et prenant la voix d’un serin de Canarie, il dit ces paroles, où il fit un air impromptu.

Les plus beaux jours de la vie
S’écoulent sans agrément ;
Si l’amour n’est de la partie,
On les passe tristement.