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LUTIN

sait qu’il était donc bien inutile d’avoir envoyé son portrait dans plusieurs cours, où il ne servirait qu’à faire des misérables ; que chacun aurait envie de l’épouser, et que n’y pouvant réussir, ils se désespéreraient. « Je t’avoue, malgré cela, dit la princesse, que je voudrais que mon portrait tombât entre les mains de cet étranger dont je ne sais point le nom. — Hé ! madame, répondit-elle, n’a-t-il pas déjà un désir assez violent de vous voir, voudriez-vous l’augmenter ? — Oui, s’écria la princesse, un certain mouvement de vanité qui m’avait été inconnu jusqu’à présent, m’en a fait naître l’envie. » Lutin écoutait tout sans en perdre un mot ; il y en avait plusieurs qui lui donnaient de flatteuses espérances, et quelques autres les détruisaient absolument.

Il était tard, la princesse entra dans sa chambre pour se coucher. Lutin aurait bien voulu la suivre à sa toilette ; mais encore qu’il le pût, le respect qu’il avait pour elle l’en empêcha ; il lui semblait qu’il ne devait prendre que les libertés qu’elle aurait bien voulu lui accorder ; et sa passion était si délicate et si ingénieuse, qu’il se tourmentait sur les plus petites choses.

Il entra dans un cabinet proche de la chambre de sa princesse, pour avoir au moins le plaisir de l’entendre parler. Elle demandait dans ce moment à Abricotine si elle n’avait rien vu d’extraordinaire dans son petit voyage. « Ma dame, lui dit-elle, j’ai passé par une forêt où j’ai vu des animaux qui ressemblaient à des enfans, ils sautent et dansent sur les arbres comme