Lorsqu’elle entra dans son cabinet, elle fut étonnée d’y voir le portrait d’un homme ; elle y attacha ses yeux avec une surprise d’autant plus grande, qu’elle y reconnut aussi le sien, et que les paroles qui étaient écrites sur le rouleau, lui donnaient une ample matière de curiosité et de rêverie. Elle était seule dans ce moment, elle ne pouvait que juger d’une aventure si extraordinaire ; mais elle se persuadait que c’était Abricotine qui lui avait fait cette galanterie : il ne lui restait qu’à savoir si le portrait de ce cavalier était l’effet de son imagination ; ou s’il avait un original ; elle se leva brusquement, et courut appeler Abricotine. Lutin était déjà avec le petit chapeau rouge dans le cabinet, fort curieux d’entendre ce qui s’allait passer.
La princesse dit à Abricotine de jeter les yeux sur cette peinture, et de lui en dire son sentiment. Dès qu’elle l’eut regardé, elle s’écria : « Je vous proteste, madame, que c’est le portrait de ce généreux étranger auquel je dois la vie : oui, c’est lui, je n’en puis douter ; voilà ses traits, sa taille, ses cheveux, et son air. — Tu feins d’être surprise, dit la princesse en souriant ; mais c’est toi qui l’as mis ici. — Moi, madame ! reprit Abricotine ; je vous jure que je n’ai vu de ma vie ce tableau ; serais-je assez hardie pour vous cacher une chose qui vous intéresse ? Et par quel miracle serait-il entre mes mains ? Je ne sais point peindre ; il n’a jamais entré d’homme dans ces lieux ; le voilà cependant