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LUTIN

ses pas : il avait un extrême plaisir d’entendre et de voir si souvent sa belle princesse. Il mangeait tous les jours à sa table avec chat bleu, qui n’en faisait pas meilleure chère. Cependant il manquait beaucoup à la satisfaction de Lutin, puisqu’il n’osait ni parler, ni se faire voir, et il est rare qu’un invisible se fasse aimer.

La princesse avait un goût universel pour les belles choses : dans la situation où était son cœur, elle avait besoin d’amusement. Comme elle était un jour avec toutes ses nymphes, elle leur dit qu’elle aurait un grand plaisir de savoir comment les dames étaient vêtues dans les différentes cours de l’univers, afin de s’habiller de la manière la plus galante. Il n’en fallut pas davantage pour déterminer Lutin à courir l’univers ; il enfonce son petit chapeau rouge, et se souhaite en la Chine ; il achète là les plus belles étoffes, et prend un modèle d’habits. Il vole à Siam, où il en use de même. Il parcourt toutes les quatre parties du monde en trois jours, à mesure qu’il était chargé, il venait au palais des plaisirs tranquilles cacher dans une chambre tout ce qu’il en apportait. Quand il eut ainsi rassemblé un nombre de raretés infinies ( car l’argent ne lui coûtait rien et sa rose en fournissait sans cesse), il fut acheter cinq ou six douzaines de poupées, qu’il fit habiller à Paris ; c’est l’endroit du monde où les modes ont plus de cours : il у en avait de toutes les manières, et d’une magnificence sans pareille. Lutin les arrangea dans le cabinet de la princesse.