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LE PRINCE

trop craindre d’en être punie. — Hé ! madame, dit Abricotine en l’interrompant, n’avez-vous pas déjà assez de peines, pourquoi prévoir des malheurs qui n’arriveront jamais ? Il est aisé de s’imaginer tout le plaisir que cette conversation fit à Léandre.

Cependant le petit Furibon, toujours amoureux de la princesse sans l’avoir vue, attendait impatiemment le retour de ses quatre hommes qu’il avait envoyés à l’île des plaisirs tranquilles ; il en revint un qui lui rendit compte de tout. Il lui dit qu’elle était défendue par des amazones, et qu’à moins de mener une grosse armée, il n’entrerait jamais dans l’île.

Le roi son père venait de mourir ; il se trouva maître de tout. Il assembla plus de quatre cent mille hommes, et partit à leur tête. C’était là un beau général ; Briscambille ou Perceforêt auraient mieux fait que lui : son cheval de bataille n’avait pas une demi-aune de haut. Quand les amazones aperçurent cette grande armée, elles en vinrent donner avis à la princesse, qui ne manqua pas d’envoyer la fidèle Abricotine au royaume des fées, pour prier sa mère de lui mander ce qu’elle devait faire pour chasser le petit Furibon de ses États. Mais Abricotine trouva la fée fort en colère : « Je n’ignore rien de ce que fait ma fille, lui dit-elle, le prince Léandre est dans son palais ; il l’aime, il en est aimé. Tous mes soins n’ont pu la garantir de la tyrannie de l’amour ; la voilà sous son fatal empire. Hélas ! le cruel n’est pas content