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LE PRINCE

témoins de la galante fête qui allait se passer. Elle en prit soin en effet ; et cinq ou six volumes ne suffiraient point pour décrire les comédies, les opéra, les courses de bagues, les musiques, les combats de gladiateurs, les chasses, et les autres magnificences qu’il y eut à ces charmantes noces. Le plus singulier de l’aventure, c’est que chaque nymphe trouva parmi les braves que Gentille avait attirés dans ces beaux lieux, un époux aussi passionné que s’ils s’étaient vus depuis dix ans. Ce n’était néanmoins qu’une connaissance au plus de vingt-quatre heures ; mais la petite baguette produit des effets encore plus extraordinaires.

Qu’est devenu cet heureux temps
Où par le pouvoir d’une fée,
L’innocence était délivrée
Des périls les plus évidens ?
Par le secours puissant d’un chapeau, d’une rose,
On voyait arriver mainte métamorphose.
Voyant tout, et sans être vu,
Un mortel parcourait le monde,
Et trouvait dans les airs un chemin inconnu.
Léandre possédait une rose féconde,
Qui versait dans ses mains, au gré de ses désirs,
Ce métal précieux d’où naissent les plaisirs.
Par le pouvoir d’une seconde,
D’une santé parfaite il goûtait la douceur :
La troisième, à mon sens, était moins désirable :
D’un objet qu’il aimait il découvrait le coeur,
Il savait s’il brûlait d’une ardeur véritable,
Ou si c’était un feu trompeur.
Hélas ! sur le fait des maîtresses,
Heureux qui peut être ignorant !
Telle vous comble de caresses
Qui n’a qu’un amour apparent.