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LA PRINCESSE

clair qu’avec de la bougie. On y arrivait par une voûte, qui allait une lieue sous terre ; c’était par-là que l’on apportait aux nourrices et aux gouvernantes tout ce qu’il leur fallait. Il y avait de vingt pas en vingt pas de grosses portes qui fermaient bien, et des gardes partout.

L’on avait nommé la jeune princesse Printanière, parce qu’elle avait un teint de lis et de roses, plus frais et plus fleuri que le printemps. Elle se rendait admirable dans toutes les choses qu’elle disait ou qu’elle faisait ; elle apprenait les sciences les plus difficiles, comme les plus aisées, et elle devenait si grande et si belle, que le roi et la reine ne la voyaient jamais sans pleurer de joie. Elle les priait quelquefois de rester avec elle, ou de l’emmener avec eux, car elle s’ennuyait, sans bien savoir pourquoi ; mais ils différaient toujours.

Sa nourrice, qui ne l’avait point quittée, et qui ne manquait pas d’esprit, lui contait quelquefois comme le monde était fait ; et elle le comprenait aussitôt, avec autant de facilité que si elle l’eût vu. Le roi disait souvent à la reine : « Ma mie, Carabosse en sera la dupe ; nous sommes plus fins qu’elle, notre Printanière sera heureuse en dépit de ses prédictions. » Et la reine riait jusqu’aux larmes, de songer au dépit de la méchante fée. Ils avaient fait peindre Printanière, et envoyé ses portraits par toute la terre ; car le temps de la retirer de la tour approchait : ils voulaient la marier. Il ne restait plus que quatre jours pour accomplir les vingt ans ; la cour et la ville étaient dans une grande joie de la