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PRINTANIÈRE.

ajouta même la raillerie à la brutalité : il lui dit que cela était trop sucré, qu’elle se gâterait les dents, et cent autres impertinences semblables.

Printanière, plus affligée qu’elle l’eût encore été, s’assit sous un chêne, et lui fit à peu près un compliment semblable à celui qu’elle avait fait au rosier. Le chêne, ému de compassion, baissa vers elle quelques-unes de ses branches, et lui dit : « Ce serait dommage que tu cessasses de vivre, belle Printanière ; prends cette cruche de lait et la bois, sans en donner un goutte à ton ingrat amant. » La princesse toute étonnée regarda derrière elle ; aussitôt elle vit une grande cruche pleine de lait. Elle ne se souvint alors que de la soif que Fanfarinet pouvait avoir, après avoir mangé plus de quinze livres de miel : elle courut lui porter sa cruche. « Désaltérez-vous, beau Fanfarinet, dit-elle ; et souvenez-vous de m’en garder, car je meurs de faim et de soif. Il prit rudement la cruche, et but tout d’un trait ; puis la jetant sur des pierres, la mit en morceaux, disant avec un sourire malin : « Quand on n’a pas mangé, l’on ne doit pas avoir soif. »

La princesse joignit ses mains l’une dans l’autre ; et levant ses beaux yeux vers le ciel : « Ah ! s’écria-t-elle, je l’ai bien mérité ; voilà une juste punition pour avoir quitté le roi et la reine, pour avoir aimé si inconsidérément un homme que je ne connaissais point, pour avoir fui avec lui, sans me souvenir ni de mon rang, ni des malheurs dont j’étais menacée par Carabosse. » Elle se prit encore à pleurer plus amèrement qu’elle eût fait