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GRACIEUSE

si le roi ne m’en fait pas raison, je retournerai dans mon riche château, et je ne le verrai de mes jours. » L’on fut dire au roi la colère de Grognon. Comme sa passion dominante était l’intérêt, la seule idée de perdre les mille tonneaux d’or et de diamans le fit frémir, et l’aurait porté à tout. Il accourut auprès de la crasseuse malade, il se mit à ses pieds, et lui jura qu’elle n’avait qu’à prescrire une punition proportionnée à la faute de Gracieuse, et qu’il l’abandonnait à son ressentiment. Elle lui dit que cela suffisait, qu’elle l’allait envoyer quérir.

En effet, on vint dire á la princesse que Grognon la demandait. Elle devint pâle et tremblante, se doutant bien que ce n’était pas pour la caresser ; elle regarda de tous côtés si Percinet ne paraissait point ; elle ne le vit pas, et elle s’achemina bien triste vers, l’appartement de Grognon. À peine y fut-elle entrée, qu’on ferma les portes ; puis quatre femmes, qui res semblaient à quatre furies, se jetèrent sur elle par l’ordre de leur maîtresse, lui arrachèrent ses beaux habits, et déchirèrent sa chemise. Quand ses épaules furent découvertes, ces cruelles mégères ne pouvaient soutenir l’éclat de leur blancheur : elles fermaient les yeux comme si elles eussent regardé long-temps de la neige. « Allons, allons, courage, criait l’impitoyable Grognon du fond de son lit, qu’on me l’écorche, et qu’il ne reste pas un petit morceau de cette peau blanche qu’elle croit si belle. »

En toute autre détresse, Gracieuse aurait