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Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/217

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ROSETTE.

saient mille tours agréables : ils avaient de beaux harnais de velours cramoisi, avec des plaques d’or. On voyait soixante jeunes demoiselles que le roi avait choisies pour la divertir ; elles étaient habillées de toutes sortes de couleurs, et l’or et l’argent étaient la moindre chose.

La nourrice avait pris grand soin de parer sa fille ; elle lui mit les diamans de Rosette à la tête et partout, et sa plus belle robe. Mais elle était avec ses ajustemens plus laide qu’une guenon ; ses cheveux d’un noir gras, les yeux de travers, les jambes tortues, une grosse bosse au milieu du dos, de méchante humeur et maussade, qui grognait toujours.

Quand tous les gens du roi des Paons la virent sortir du bateau, ils demeurèrent si surpris, qu’ils ne pouvaient parler. « Qu’est-ce que cela ? dit-elle. Est-ce que vous dormez ? Allons, allons, que l’on m’apporte à manger ; vous êtes de bonnes canailles, je vous ferai tous pendre. » À cette nouvelle ils se disaient : « Quelle vilaine bête ! Elle est aussi méchante que laide ! Voilà notre roi bien marié, je ne m’étonne point ; ce n’était pas la peine de la faire venir du bout du monde. » Elle faisait toujours la maîtresse ; et pour moins que rien, elle donnait des soufflets et des coups de poing à tout le monde.

Comme son équipage était fort grand, elle allait doucement : elle se carrait comme une reine dans son carrosse. Mais tous les paons qui s’étaient mis sur les arbres pour la saluer en passant, et qui avaient résolu de crier : « Vive