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LA PRINCESSE

de plume était fait de plumes de phénix, qui sont fort rares, et qui ont cette propriété, qu’elles ne vont jamais au fond de l’eau ; de sorte qu’elle nageait dans son lit, comme si elle eût été dans un bateau. L’eau pourtant mouillait peu à peu sont lit de plume, puis le matelas et Rosette sentant de l’eau, ne savait ce que cela voulait dire.

Comme elle se tournait d’un côté sur l’autre, Fretillon s’éveilla. Il avait le nez excellent ; il sentait les soles et les morues de si près, qu’il se mit à japper, à japper tant, qu’il éveilla tous les autres poissons. Ils commencèrent à nager ; les gros poissons donnaient de la tête contre le lit de la princesse, qui ne tenant à rien, tournait et retournait comme une pirouette. Dame, elle était bien étonnée ! « Est-ce que notre bateau danse sur l’eau ? disait-elle. Je n’ai point habitude d’être si mal à mon aise que je suis cette nuit. » Et toujours Fretillon qui jappait, et qui faisait une vie de désespéré. La méchante nourrice et le batelier l’entendaient de bien loin, et disaient : « Voilà ce petit drôle de chien qui boit avec sa maîtresse à notre santé ; dépêchons-nous d’arriver. » Car ils étaient tout contre la ville du roi des Paons.

Il avait envoyé au bord de la mer cent carrosses, tirés par toutes sortes de bêtes rares : il y avait des lions, des ours, des cerfs, des loups, des chevaux, des bœufs, des ânes, des aigles, des paons ; et le carrosse où la princesse Rosette devait se mettre, était traîné par six singes bleus qui sautaient, qui dansaient sur la corde, qui fai-