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PETITE SOURIS.

née ; elle songeait sans cesse qui pouvait lui en voyer de si excellentes choses.

La reine regardait un jour à la fenêtre, pour voir de quelle longueur elle ferait cette corde, dont elle devait attacher la corbeille pour la descendre. Elle aperçut en bas une bonne petite femme qui s’appuyait sur un bâton, et qui lui dit : « Je sais votre peine, madame ; si vous voulez je vous servirai. — Hélas ! ma chère amie, lui dit la reine, vous me ferez un grand plaisir ; venez tous les soirs au bas de la tour, je vous descendrai mon pauvre enfant : vous le nourrirez, et je tâcherai, si je suis jamais riche, de vous bien payer. Je ne suis pas intéressée, répondit la vieille, mais je suis friande ; il n’y a rien que j’aime tant qu’une souris grassette et dodue. Si vous en trouvez dans votre galetas, tuez-les et me les jetez ; je n’en serai point ingrate, votre poupart s’en trouvera bien. »

La reine l’entendant se mit à pleurer sans rien répondre ; et la vieille, après avoir un peu attendu, lui demanda pourquoi elle pleurait. « C’est, dit-elle, qu’il ne vient dans ma chambre qu’une seule souris, qui est si jolie, si joliette, que je ne puis me résoudre à la tuer. — Comment, dit la vieille en colère, vous aimez donc mieux une friponne de petite souris, qui ronge tout, que l’enfant que vous allez avoir ? Eh bien, madame, vous n’êtes pas à plaindre, restez en si bonne compagnie, j’aurai bien des souris sans vous, je ne m’en soucie guère. » Elle s’en alla grondant et marmottant.