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PETITE SOURIS.

elle aperçut que son petit museau prenait la figure d’un visage ; que ses pattes devinrent des mains et des pieds, et qu’elle grandit tout d’un coup. Enfin la reine n’osant presque la regarder, la reconnut pour la fée qui l’était venue voir avec le méchant roi, et qui lui avait fait tant de caresses.

Elle lui dit : « J’ai voulu éprouver votre cœur ; j’ai reconnu qu’il est bon, et que vous êtes capable d’amitié. Nous autres fées qui possédons des trésors et des richesses immenses, nous ne cherchons pour la douceur de la vie que de l’amitié, et nous en trouvons rarement. — Est-il possible, belle dame, dit la reine en l’embrassant, que vous ayez de la peine à trouver des amies, étant si riches et si puissantes ? — Oui, répliqua-t-elle, car on ne nous aime que par intérêt, et cela ne nous touche guère ; mais quand vous m’avez aimée en petite souris, ce n’était pas un motif d’intérêt. J’ai voulu vous éprouver plus fortement, j’ai pris la figure d’une vieille : c’est moi qui vous ai parlé au bas de la tour et vous m’avez toujours été fidèle. » À ces mots elle embrassa la reine ; puis elle baisa trois fois le béco vermeil de la petite princesse ; et elle lui dit : « Je te doue, ma fille, d’être la consolation de ta mère, et plus riche que ton père ; de vivre cent ans toujours belle, sans maladie, sans rides et sans vieillesse. » La reine toute ravie la remercia, et la pria d’emporter Joliette, et d’en prendre soin, ajoutant qu’elle la lui donnait pour être sa fille.