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PETITE SOURIS.

lait. Son père l’entendit ; il se mit à la fenêtre, et lui cria : « Qu’est-ce que tu as à pleurer ? Comme tu fais la bête ! » Il lui répondit : « C’est que notre dindonnière ne veut pas m’aimer. — Comment ! elle ne veut pas t’aimer ? dit le méchant roi ; je veux qu’elle t’aime ou qu’elle meure. » Il appela ses gens d’armes, et leur dit : « Allez la querir ; car je lui ferai tant de mal, qu’elle se repentira d’être opiniâtre. »

Ils furent au poulailler, et trouvèrent Joliette qui avait une belle robe de satin blanc, toute en broderie d’or, avec des diamans rouges, et plus de mille aunes de rubans partout. Jamais, au grand jamais, il ne s’est vu une si belle fille : ils n’osaient lui parler, la prenant pour une princesse. Elle leur dit fort civilement : « Je vous prie, dites-moi qui vous cherchez ici ? — Madame, dirent-ils, nous cherchons une petite malheureuse, qu’on appelle Joliette. Hélas ! c’est moi, dit-elle ; qu’est-ce que vous me voulez ? » Ils la prirent vitement, et lièrent ses pieds et ses mains avec de grosses cordes, de peur qu’elle ne s’enfuit ; ils la menèrent de cette manière devant le méchant roi qui était avec son fils. Quand il la vit si belle, il ne laissa pas d’être un peu ému ; sans doute qu’elle lui aurait fait pitié, s’il n’avait pas été le plus méchant et le plus cruel du monde. Il lui dit : « Ha, ha, petite friponne, petite crapaude, vous ne voulez donc pas aimer mon fils ? Il est cent fois plus beau que vous, un seul de ses regards vaut mieux que toute votre per-