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LE MOUTON.

des cascades et de petits ruisseaux charmans. Cette plaine était couverte d’arbres singuliers ; il у avait des avenues toutes entières de perdreaux, mieux piqués et mieux cuits que chez la Guerbois, qui pendaient aux branches ; il y avait d’autres allées de cailles et de lapereaux, de dindons, de poulets, de faisans et d’ortolans ; en des certains endroits où l’air paraissait plus obscur, il y pleuvait des bisques d’écrevisses, des soupes de santé, des foies gras, des ris de veau mis en ragoûts, des boudins blancs, des saucissons, des tourtes, des pâtés, des confitures sèches et liquides, des louis d’or, des écus, des perles et des diamans. La rareté de cette pluie, et tout ensemble l’utilité, aurait attiré la bonne compagnie, si le gros Mouton avait été un peu plus d’humeur à se familiariser ; mais toutes les chroniques qui ont parlé de lui, assurent qu’il gardait mieux sa gravité qu’un sénateur romain.

Comme l’on était dans la plus belle saison de l’année, lorsque Merveilleuse arriva dans ces beaux lieux, elle ne vit point d’autre palais qu’une longue suite d’orangers, de jasmins, de chèvre-feuilles et de petites roses muscades dont les branches entrelacées les unes dans les autres, formaient des cabinets, des salles et des chambres toutes meublées de gaze d’or et d’argent, avec de grands miroirs, des lustres et des tableaux admirables.

Le maître mouton dit à la princesse, qu’elle était souveraine dans ces lieux ; que depuis