quelques années il avait eu des sujets sensibles de s’affliger et de répandre des larmes, mais qu’il ne tiendrait qu’à elle de lui faire oublier ses malheurs. « La manière dont vous en usez, charmant Mouton, lui dit-elle, a quelque chose de si généreux, et tout ce que je vois ici, me paraît si extraordinaire, que je ne sais qu’en juger. »
Elle avait à peine achevé ces paroles, qu’elle vit paraître devant elle une troupe de nymphes d’une admirable beauté ; elles lui présentèrent des fruits dans des corbeilles d’ambre ; mais lorsqu’elle voulut s’approcher d’elles, insensiblement leurs corps s’éloignèrent ; elle allongea le bras pour les toucher, elle ne sentit rien, et connut que c’étaient des fantômes. « Ha qu’est ceci ? s’écria-t-elle ; avec qui suis-je ? » Elle se prit à pleurer, et le roi Mouton (car on le nommait ainsi) qui l’avait laissé pour quelques momens, étant revenu auprès d’elle, et voyant couler ses larmes, en demeura si éperdu, qu’il pensa mourir à ses pieds.
Qu’avez-vous, belle princesse, lui dit-il ? A-t-on manqué dans ces lieux au respect qui vous est dû ? — Non, lui dit-elle, je ne me plains point ; je vous avoue seulement que je ne suis pas accoutumée à vivre avec les morts et avec les moutons qui parlent : tout me fait peur ici, et quelque obligation que je vous aie de m’y avoir amenée, je vous en aurai encore davantage de me remettre dans le monde.
— Ne vous effrayez point, répliqua le roi