Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
LE MOUTON.

» C’est ce qui m’engage d’aller quelquefois dans la forêt. Je vous y ai vu, belle princesse, continua-t-il, tantôt sur un chariot que vous conduisiez vous-même avec plus d’adresse que le soleil n’en a lorsqu’il conduit le sien ; tantôt à la chasse sur un cheval qui semblait indomptable à tout autre qu’à vous ; puis courant légèrement dans la plaine avec les princesses de votre cour, vous gagniez le prix comme une autre Atalante. Ah ! princesse, si dans tous ces temps où mon cœur vous rendait des vœux secrets, j’avais osé vous parler, que ne vous aurais-je point dit ? Mais comment auriez-vous reçu la déclaration d’un malheureux mouton comme moi ? »

Merveilleuse était si troublée de tout ce qu’elle avait entendu jusqu’alors, qu’elle ne savait presque lui répondre ; elle lui fit cependant des honnêtetés qui lui laissèrent quelque espérance, et dit qu’elle avait moins de peur des ombres puisqu’elles devaient revivre un jour. « Hélas ! continua-t-elle, si ma pauvre Patypata, ma chère Grabugeon et le joli Tintin, qui sont morts pour me sauver, pouvaient avoir un sort semblable, je ne m’ennuierais plus ici ! »

Malgré la disgrâce du roi Mouton, il ne laissait pas d’avoir des priviléges admirables. « Allez, dit-il à son grand écuyer (c’était un mouton de fort bonne mine), allez querir la Moresse, la guenuche et le doguin, leurs ombres divertiront notre princesse. » Un instant après, Merveilleuse les vit ; quoiqu’ils ne l’approchassent pas d’assez près