Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
256
LE MOUTON.

pour en être touchés, leur présence lui fut d’une consolation infinie.

Le roi Mouton avait tout l’esprit et toute la délicatesse qui pouvaient former d’agréables conversations. Il aimait si passionnément Merveilleuse, qu’elle vint aussi à le considérer, et ensuite à l’aimer. Un joli mouton bien doux, bien caressant ne laisse pas de plaire, surtout quand on sait qu’il est roi, et que la métamorphose doit finir. Ainsi la princesse passait doucement ses beaux jours attendant un sort plus heureux. Le galant mouton ne s’occupait que d’elle ; il faisait des fêtes, des concerts, des chasses ; son troupeau le secondait ; jusqu’aux ombres, elles y jouaient leurs personnages.

Un soir que les courriers arrivèrent, car il envoyait soigneusement aux nouvelles, et il en savait toujours des meilleures, on vint lui dire que la sœur aînée de la princesse Merveilleuse allait épouser un grand prince, et que rien n’était plus magnifique que tout ce qu’on préparait pour les noces. « Ah ! s’écria la jeune princesse, que je suis infortunée de ne pas voir tant de belles choses ; me voilà sous la terre avec des ombres et des moutons, pendant que ma sœur va paraître parée comme une reine ; chacun lui fera sa cour, je serai la seule qui ne prendra point de part à sa joie. — De quoi vous plaignez-vous, madame, lui dit le roi des moutons, vous ai-je refusé d’aller à la noce ? Partez quand il vous plaira, mais donnez-moi parole de revenir ; si vous n’y consentez pas, vous m’allez voir expirer à vos pieds ;