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JAUNE.

En même temps la reine aperçut les lions sur le haut d’une colline, qui accouraient à elle ; ils avaient chacun deux têtes, huit pieds, quatre rangs de dents, et leur peau était aussi dure que l’écaille, et aussi rouge que du maroquin. A cette vue la pauvre reine, plus tremblante que la colombe quand elle aperçoit un milan, cria de toute sa force : « Monseigneur le Nain, Toute-Belle est à vous. — Oh ! dit-il d’un air dédaigneux, Toute-Belle est trop belle, je n’en veux point, gardez-la. — Eh ! monseigneur, continua la reine affligée, ne la refusez pas, c’est la plus charmante princesse de l’univers. — Eh bien, répliqua-t-il, je l’accepte par charité ; mais souvenez-vous du don que vous m’en faites. » Aussitôt l’oranger sur lequel il était, s’ouvrit, la reine, se jeta dedans à corps perdu ; il se referma, et les lions n’attrapèrent rien.

La reine était si troublée, qu’elle ne voyait pas une porte ménagée dans cet arbre ; enfin elle l’aperçut et l’ouvrit ; elle donnait dans un champ d’orties et de chardons. Il était entouré d’un fossé bourbeux, et un peu plus loin était une maisonnette fort basse, couverte de paille : le Nain Jaune en sortit d’un air enjoué ; il avait des sabots, une jacquette de bure jaune, point de cheveux, de grandes oreilles, tout l’air d’un petit scélérat.

« Je suis ravi, dit-il à la reine, madame ma belle-mère, que vous voyiez le petit château où votre Toute-Belle vivra avec moi ; elle pourra nourrir, de ces orties et de ces char-