Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
278
LE NAIN

dons, un âne qui la portera à la promenade ; elle se garantira sous ce rustique toit de l’injure des saisons ; elle boira de cette eau, et mangera quelques grenouilles qui s’y nourrissent grassement ; enfin, elle m’aura jour et nuit auprès d’elle, beau, dispos et gaillard comme vous me voyez ; car je serais bien fâché que son ombre l’accompagnât mieux que moi. »

L’infortunée reine, considérant tout d’un coup la déplorable vie que ce nain promettait à sa chère fille, et ne pouvant soutenir une idée si terrible, tomba de sa hauteur sans connaissance et sans avoir eu la force de lui répondre un mot. Mais pendant qu’elle était ainsi, elle fut rapportée dans son lit bien proprement, avec les plus belles cornettes de nuit, et la fontange de meilleur air qu’elle eût mise de ses jours. La reine s’éveilla, et se souvint de ce qui lui était arrivé, elle n’en crut rien du tout : car se trouvant dans son palais au milieu de ses dames, sa fille à ses côtés, il n’y avait guère d’apparence qu’elle eût été au désert, qu’elle y eût couru de si grands périls, et que le nain l’en eût tirée à des conditions si dures, que de lui donner Toute-Belle. Cependant ces cornettes d’une dentelle rare et le ruban l’étonnaient autant que le rêve qu’elle croyait avoir fait, et dans l’excès de son inquiétude, elle tomba dans une mélancolie si extraordinaire, qu’elle ne pouvait presque plus ni parler, ni manger, ni dormir.

La princesse, qui l’aimait de tout son cœur,