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JAUNE.

cesse que je ne puis regarder que comme ma rivale ! » Le roi soupira sans rien répondre. Qu’aurait-il répondu à cette pénétrante personne ?

Ils arrivèrent dans une vaste prairie émaillée de mille fleurs différentes ; une profonde rivière l’entourait, et plusieurs ruisseaux de fontaine coulaient doucement sous des arbres touffus où l’on trouvait une fraîcheur éternelle ; l’on voyait dans l’éloignement s’élever un superbe palais dont les murs étaient de transparentes émeraudes. Aussitôt que les cygnes qui conduisaient la fée se furent abaissés sous un portique dont le pavé était de diamans et les voûtes de rubis, il parut de tous côtés mille belles personnes qui vinrent la recevoir avec de grandes acclamations de joie ; elles chantaient ces paroles :

Quand l’amour veut d’un cœur remporter la victoire,
On fait pour résister des efforts superflus,
On ne fait qu’augmenter sa gloire,
Les plus puissans vainqueurs sont les premiers vaincus.

La fée du Désert était ravie d’entendre chanter ses amours ; elle conduisit le roi dans le plus superbe appartement qui se soit jamais vu de mémoire de fée et elle l’y laissa quelques momens pour qu’il ne se crût pas absolument captif ; il se douta bien qu’elle ne s’éloignait guère, et qu’en quelque lieu caché, elle observait ce qu’il faisait ; cela l’obligea de s’approcher d’un grand miroir, et s’adressant à lui : « Fidèle conseiller, lui dit-il, permets que je voie ce que je peux faire pour me rendre agréable à la charmante fée du Désert, car l’envie que j’ai de lui