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LE NAIN

plaire, m’occupe sans cesse. » Aussitôt il se peigna, se poudra, se mit une mouche et voyant sur une table un habit plus magnifique que le sien ; il le mit en diligence.

La fée entra si transportée de joie, qu’elle ne pouvait la modérer. « Je vous tiens compte, dit-elle, des soins que vous prenez pour me plaire, vous en avez trouvé le secret, même sans le chercher ; jugez donc, seigneur, s’il vous sera difficile, lorsque vous le voudrez. »

Le roi qui avait des raisons pour dire des douceurs à la vieille fée, ne les épargna pas, et il en obtint insensiblement la liberté de s’aller promener le long du rivage de la mer. Elle l’avait rendue par son art si terrible et si orageuse, qu’il n’y avait point de pilotes assez hardis pour naviguer dessus ; ainsi elle ne devait rien craindre de la complaisance qu’elle avait pour son prisonnier. Il sentit quelque soulagement à ses peines de pouvoir rêver seul, sans être interrompu par sa méchante geôlière.

Après avoir marché assez long-temps sur le sable ; il se baissa et écrivit ces vers avec une canne qu’il tenait dans sa main :

Enfin je puis en liberté
Adoucir mes douleurs par un torrent de larmes.
Hélas ! je ne vois plus les charmes
De l’adorable objet qui m’avait enchanté.
Toi qui rends aux mortels ce bord inaccessible,
Mer orageuse, mer terrible,
Que poussent les vents furieux
Tantôt jusqu’aux enfers et tantôt jusqu’aux cieux,
Mon cœur est encor moins paisible