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SERPENTIN

en a déjà cinq d’écoulés, il m’en reste encore deux, dont vous adoucirez toute l’amertume, si vous voulez bien me recevoir pour époux ; vous allez penser que je suis un témeraire, et que ce que je vous demande est absolument impossible ; mais, madame, si vous saviez jusqu’où va ma passion, jusqu’où va l’excès de mes malheurs, vous ne me refuseriez point la grâce que je vous demande. »

Laidronette s’ennuyait, comme je l’ai déjà dit, elle trouvait que le roi invisible avait tout ce qui pouvait plaire dans l’esprit, et l’amour se saisit de son cœur. Sous le nom spécieux d’une généreuse pitié, elle répliqua qu’il fallait encore quelques jours pour se pouvoir résoudre : c’était beaucoup de l’avoir amenée jusqu’à ne différer que de quelques jours, une chose dont on n’osait se flatter ; les fêtes et les concerts redoublèrent, on ne chantait plus devant elle que les chants d’Hyménée : on lui apportait sans cesse des présens d’une magnificence qui surpassait tout ce que l’on avait jamais vu : L’amoureuse voix assidue auprès d’elle, lui faisait sa cour dès qu’il était nuit, et la princesse se retirait de meilleure heure, pour avoir plus de temps à l’entretenir.

Enfin elle consentit de prendre le roi invisible pour époux, et elle lui promit de ne le voir qu’après que sa pénitence serait achevée. « Il y va de tout pour vous et pour moi, lui dit-il : si vous aviez cette imprudente curiosité il faudrait que je recommençasse ma pénitence,