Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
345
VERT.

s’écria-t-elle, je saurai me venger. Préparez vos souliers de fer, dit-elle à la reine, il faut que vous alliez aux enfers demander à Proserpine, de ma part, de l’essence de longue vie ; je crains toujours de tomber malade et même de mourir ; quand j’aurai cet antidote, je n’aurai plus sujet de rien appréhender ; gardez-vous donc d’aller déboucher la bouteille, ni de goûter à la liqueur qu’elle vous donnera, car vous diminueriez ma part. »

La pauvre reine n’a jamais été plus surprise, qu’elle le fut de cet ordre. « Par où va-t-on aux enfers, dit-elle ? ceux qui y vont, peuvent-ils revenir ? Hélas ! madame, ne serez vous point lasse quelque jour de me persécuter ? Sous quel astre suis-je née ? ma sœur est bien plus heureuse que moi ; il ne faut plus croire que les constellations soient égales pour tout le monde. » Elle se prit à pleurer, et Magotine triomphant de lui voir répandre des larmes, s’éclata de rire : « Allons, allons, dit-elle, ne différez pas d’un moment un voyage qui me doit apporter tant de satisfaction. » Elle lui emplit une besace de vieilles noix et de pain bis : avec cette belle provision, elle partit résolue de se casser la tête contre le premier rocher, pour finir ses peines.

Elle marcha quelque temps sans tenir aucune route, prenant d’un côté, tournant de l’autre, et pensant que c’était un commandement bien extraordinaire de l’envoyer ainsi aux enfers. Quand elle fut lasse, elle se coucha au pied d’un arbre, et se mit