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SERPENTIN

à rêver au pauvre Serpentin, ne pensant plus à son voyage ; mais elle vit tout d’un coup la fée Protectrice, qui lui dit : « Savez-vous, belle reine, que pour retirer votre époux de la sombre demeure où les ordres de Magotine le retiennent, il faut que vous alliez chez Proserpine ? J’irai encore plus loin, s’il m’était possible ; répliqua-t-elle ; mais, madame, j’ignore par où descendre dans ce ténébreux séjour. — Tenez, dit la fée Protectrice, voici une branche de verdure : frappez-en la terre, et prononcez ces vers distinctement. » La reine embrassa les genoux de cette généreuse amie, puis elle dit :

Toi qui sais désarmer le maître du tonnerre
Amour, donne-moi du secours ;
Viens arrêter le cours
Des ennuis rigoureux qui déchirent mon âme ;
Ouvre-moi, tu le peux, le chemin des enfers.
Dans ces lieux souterrains tu fais sentir ta flamme
Pluton pour Proserpine a gémi dans tes fers,
Ouvre-moi, tendre, amour, le chemin des enfers,
On m’arrache un époux fidèle ;
Je ressens les rigueurs du plus terrible sort.
Ma douleur est plus que mortelle,
Et je ne puis trouver la mort.

Elle eut à peine fini sa prière, qu’un jeune enfant plus beau que tout ce que nous voyons, partit du fond d’une nuée mêlée d’or et d’azur ; il volait, et vint fondre à ses pieds, une couronne de fleurs ceignait sa tête. La reine connut à son arc et à ses flèches que c’était l’Amour : il lui dit en l’abordant :