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LA GRENOUILLE

enfin elle arriva dans son château bien inquiète et bien chagrine. Après qu’elle se fut assez reposée, elle voulut se promener aux environs, et elle ne trouvait rien qui pût la divertir ; elle jetait les yeux de tous côtés ; elle voyait de grands déserts qui lui donnaient plus de chagrins que de plaisirs ; elle les regardait tristement, et disait quelquefois : « Quelle comparaison du séjour où je suis, à celui où j’ai été toute ma vie ! si j’y reste encore long-temps, il faut que je meure : à qui parler dans ces lieux solitaires ? avec qui puis-je soulager mes inquiétudes ? et qu’ai-je fait au roi pour m’avoir exilée ? Il semble qu’il veuille me faire ressentir toute l’amertume de son absence, lorsqu’il me relègue dans un château si désagréable.

C’est ainsi qu’elle se plaignait ; et quoiqu’il lui écrivit tous les jours, et qu’il lui donnât de fort bonnes nouvelles du siége, elle s’affligeait de plus en plus, et prit la résolution de s’en retourner auprès du roi ; mais comme les officiers qu’il lui avait donnés, avaient ordre de ne la ramener que lorsqu’il lui enverrait un courrier exprès, elle ne témoigna point ce qu’elle méditait, et se fit faire un petit char, où il n’y avait place que pour elle, disant qu’elle voulait aller quelquefois à la chasse. Elle conduisait elle-même les chevaux, et suivait les chiens de si près, que les veneurs allaient moins vite qu’elle ; par ce moyen elle se rendait maîtresse de son char, et de s’en aller quand elle voudrait. Il n’y avait qu’une difficulté, c’est