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LA GRENOUILLE

verte de soucis, de ronces et d’orties. La nourriture convenait au climat d’un pays si maudit ; quelques racines sèches, des marrons d’Inde et des pommes d’églantier, c’est tout ce qui s’offrait pour soulager la faim des infortunés qui tombaient entre les mains de la fée Lionne.

Sitôt que la reine se trouva en état de travailler, la fée lui dit qu’elle pouvait se faire une cabane, parce qu’elle resterait toute sa vie avec elle. À ces mots, cette princesse n’eut pas la force de retenir ses larmes : « Hé ! que vous ai-je fait, s’écria-t-elle, pour me garder ici ? Si la fin de ma vie, que je sens approcher, vous cause quelque plaisir, donnez-moi la mort, c’est tout ce que j’ose espérer de votre pitié ; mais ne me condamnez point à passer une longue et déplorable vie sans mon époux. » La Lionne se moqua de sa douleur, et lui dit qu’elle lui conseillait d’essuyer ses pleurs, et d’essayer de lui plaire ; que si elle prenait une autre conduite, elle serait la plus malheureuse personne du monde. « Que faut-il donc faire, répliqua la reine, pour toucher votre cour ? — J’aime, lui dit-elle, les pâtés de mouches ; je veux que vous trouviez le moyen d’en avoir assez pour m’en faire un très-grand et très-excellent. — Mais, lui dit la reine, je n’en vois point ici ; quand il y en aurait, il ne fait pas assez clair pour les attraper ; et quand je les attraperais, je n’ai jamais fait de pâtisserie : de sorte que vous me donnez des ordres que je ne puis exécuter. — N’importe, dit l’impitoyable Lionne, je veux ce que je veux. »