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BIENFAISANTE.

triste. Je suis la fée Lionne, qui demeure proche d’ici ; il faut que tu viennes passer ta vie avec moi. » La reine la regarda tristement et lui dit : « Si vous vouliez, madame Lionne, me remener dans mon château, et prescrire au roi ce qu’il vous donnera pour ma rançon, il m’aime si chèrement, qu’il ne refuserait pas même la moitié de son royaume. — Non, lui dit-elle, je suis suffisamment riche ; je m’ennuyais depuis quelque temps d’être seule ; tu as de l’esprit ; peut— être que tu me divertiras. » En achevant ces paroles, elle prit la figure d’une lionne, et chargeant la reine sur son dos, elle l’emporta au fond de sa terrible grotte : dès qu’elle y fut, elle la guérit avec une liqueur dont elle la frotta.

Quelle surprise et quelle douleur pour la reine, de se voir dans cet affreux séjour ! l’on y descendait par dix mille marches, qui conduisaient jusqu’au centre de la terre ; il n’y avait point d’autre lumière que celle de plusieurs grosses lampes qui réfléchissaient sur un lac de vif-argent. Il était couvert de monstres dont les différentes figures auraient épouvanté une reine moins timide ; les hibous et les chouettes, quelques corbeaux, et d’autres oiseaux de sinistre augure s’y faisaient entendre ; l’on apercevait dans le lointain une montagne d’où coulaient des eaux presque dormantes ; ce sont toutes les larmes que les amans malheureux ont jamais versées dont les tristes amours ont fait des réservoirs. Les arbres étaient toujours dépouillés de feuilles et de fruits, la terre cou-