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LA GRENOUILLE

cours elle vous trouvera des fleurs. » La reine lui fit une profonde révérence ; car il n’y avait pas moyen d’embrasser Grenouillette.

Celle-ci alla aussitôt parler à la chauve-souris, et quelques heures après elle revint, cachant sous ses ailes des fleurs admirables. La reine les porta bien vite à la mauvaise fée, qui demeura encore plus surprise qu’elle l’eût été, ne pouvant comprendre par quel miracle la reine était si bien servie.

Cette princesse rêvait incessamment aux moyens de pouvoir s’échapper. Elle communiqua son envie à la bonne grenouille, qui lui dit : « Ma dame, permettez-moi, avant toutes choses, que je consulte mon petit chaperon, et nous agirons ensuite selon ses conseils. » Elle le prit, l’ayant mis sur un fêtu, elle brûla devant quelques brins de genièvre, des câpres, et deux petits pois verts ; elle coassa cinq fois ; puis la cérémonie finie, remettant le chaperon de roses, elle commença de parler comme un oracle.

« Le destin, maître de tout, dit-elle, vous défend de sortir de ces lieux ; vous y aurez une princesse plus belle que la mère des amours ; ne vous mettez point en peine du reste, le temps seul peut vous soulager. »

La reine baissa les yeux, quelques larmes en tombèrent ; mais elle prit la résolution de croire son amie. « Tout au moins, lui dit-elle, ne m’abandonnez pas ; soyez à mes couches, puisque je suis condamnée à les faire ici. » L’honnête grenouille s’engagea d’être sa Lucine, et la consola le mieux qu’elle put.