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LA GRENOUILLE

Le roi prit le chiffon où la reine avait griffonné quelques mots, il le baisa, il l’arrosa de ses larmes, il le fit voir à toute l’assemblée, disant qu’il reconnaissait fort bien le caractère de sa femme : il fit mille questions à la grenouille, auxquelles elle répondit avec autant d’esprit que de vivacité. La princesse fiancée, et les ambassadeurs chargés de voir célébrer son mariage, faisaient très-laide grimace. « Comment, sire, dit le plus célèbre d’entr’eux, pouvez-vous, sur les paroles d’une crapaudine comme celle-ci, rompre un hymen si solennel ? Cette écume de marécage a l’insolence de venir mentir à votre cour, et goûte le plaisir d’être écoutée ! — Monsieur l’ambassadeur, répliqua la grenouille, sachez que je ne suis point écume de marécage, et puisqu’il faut ici étaler ma science, allons, fées et féos, paraissez. » Toutes les grenouillettes, rats, escargots, lézards, et elle à leur tête parurent en effet ; mais ils n’avaient plus la figure de ces vilains petits animaux ; leur taille était haute et majestueuse, leur visage agréable, leurs yeux plus brillans que les étoiles ; chacun portait une couronne de pierreries sur sa tête, et un manteau royal sur ses épaules, de velours doublé d’hermine, avec une longue queue, que des nains et des naines portaient. En même temps, voici des trompettes, tymbales, hautbois, et tambours qui percent les nues par leurs sons agréables et guerriers : toutes les fées et les féos commencèrent un ballet si légèrement dansé, que la moindre gambade les