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BIENFAISANTE.

élevait jusqu’à la voûte du salon. Le roi attentif, et la future reine n’étaient pas moins surpris l’un que l’autre, quand ils virent tout d’un coup ces honorables baladins métamorphosés en fleurs qui ne baladinaient pas moins, jasmiņs, jonquilles, violettes, œillets et tubéreuses, que lorsqu’ils étaient pourvus de jambes et de pieds. C’était un parterre animé, dont tous les mouvemens réjouissaient autant l’odorat que la vue.

Un instant après, les fleurs disparurent ; plusieurs fontaines prirent leurs places ; elles s’élevaient rapidement, et retombaient dans un large canal, qui se forma au pied du château ; il était couvert de petites galères peintes et dorées, si jolies et si galantes, que la princesse convia ses ambassadeurs d’y entrer avec elle pour s’y promener. Ils le voulurent bien, pensant que tout cela n’était qu’un jeu, qui se terminerait enfin par d’heureuses noces.

Dès qu’ils furent embarqués, la galère, le fleuve, et toutes les fontaines disparurent ; les grenouilles redevinrent grenouilles. Le roi demanda où était sa princesse ; la grenouille repartit : « Sire, vous n’en devez point avoir d’autre que la reine votre épouse ; si j’étais moins de ses amies, je ne me mettrais pas en peine du mariage que vous étiez sur le point de faire ; mais elle a tant de mérite, et votre fille Moufette est si aimable, que vous ne devez pas perdre un moment à tâcher de les délivrer. — Je vous avoue, madame la grenouille, dit le roi, que si je ne croyais pas ma femme morte, il n’y