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Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/408

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LA BICHE

L’on ne voyait chez elle que par la lumière des bougies ; mais il y en avait une si grande quantité, qu’elles faisaient un jour perpétuel. Tous les maîtres dont elle avait besoin pour se rendre parfaite, furent conduits en ce lieu : son esprit, sa vivacité et son adresse prévenaient presque toujours ce qu’ils voulaient lui enseigner ; et chacun d’eux demeurait dans une admiration continuelle des choses surprenantes qu’elle disait dans un âge où les autres savent à peine nommer leur nourrice ; aussi n’est-on pas doué par les fées pour demeurer ignorante et stupide.

Si son esprit charmait tous ceux qui l’approchaient, sa beauté n’avait pas des effets moins puissans ; elle ravissait les plus insensibles ; et la reine sa mère ne l’aurait jamais quittée de vue, si son devoir ne l’avait pas attachée auprès du roi. Les bonnes fées venaient voir la princesse de temps en temps ; elles lui apportaient des raretés sans pareilles, des habits si bien entendus, si riches et si galans, qu’ils semblaient avoir été faits pour la noce d’une jeune princesse, qui n’est pas moins aimable que celle dont je parle ; mais entre toutes les fées qui la chérissaient, Tulipe l’aimait davantage ; et recommandait plus soigneusement à la reine de ne lui pas laisser voir le jour, avant qu’elle eût quinze ans : « Notre sœur de la fontaine est vindicative, lui disait elle ; quelque intérêt que nous prenions en cet enfant, elle lui fera du mal si elle peut ; ainsi, madame, vous ne sauriez être trop vigilante là-