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LA BICHE

ma faveur, et que je la perdrais pour jamais. Becafigue le rassurait afin de gagner du temps, car il était bien aise que sa dépense lui fit honneur. Il mena quatre-vingts carrosses tout brillans d’or et de diamans : la miniature la mieux finie n’approche pas de celle qui les ornait ; il y avait cinquante autres carrosses, vingt-quatre mille pages à cheval, plus magnifiques que les princes ; et le reste de ce grand cortége ne se démentait en rien.

Lorsque l’ambassadeur prit son audience de congé du prince, il l’embrassa étroitement : « Souvenez-vous, mon cher Becafigue, lui dit-il, que ma vie dépend du mariage que vous allez négocier ; n’oubliez rien pour persuader, et amenez l’aimable princesse que j’adore. » Il le chargea aussitôt de mille présens, où la galanterie égalait la magnificence : ce n’était que devises amoureuses, gravées sur des cachets de diamans ; des montres dans des escarboucles, chargées des chiffres de Désirée ; des bracelets de rubis taillés en cour : enfin que n’avait-il pas imaginé pour lui plaire !

L’ambassadeur portait le portrait de ce jeune prince, qui avait été peint par un homme si savant, qu’il parlait et faisait de petits complimens pleins d’esprit. À la vérité il ne répondait pas à tout ce qu’on lui disait ; mais il ne s’en fallait guère. Becafigue promit au prince de ne rien négliger pour sa satisfaction, et il ajouta qu’il portait tant d’argent, que si on lui refusait la princesse, il trouverait le moyen de ga-