ses bras, et la baisa plusieurs fois : elle ne put s’empêcher de verser des larmes, lorsqu’elle pensa qu’elle était sur le point de la perdre ; car il ne s’en fallait plus que trois mois qu’elle n’eût quinze ans, et cachant son déplaisir, elle lui déclara tout ce qui la regardait dans l’ambassade du célèbre Becafigue ; elle lui donna même les raretés qu’il avait apportées pour lui présenter. Elle les admira, elle loua avec beaucoup de goût ce qu’il y avait de plus curieux ; mais de temps en temps ses regards s’échappaient pour s’attacher sur le portrait du prince, avec un plaisir qui lui avait été inconnu jusqu’alors.
L’ambassadeur, voyant qu’il faisait des instances inutiles pour qu’on lui donnât la princesse, et qu’on se contentait de la lui promettre, mais si solennellement, qu’il n’y avait pas lieu d’en douter, demeura peu auprès du roi, et retourna en poste rendre compte à ses maîtres de sa négociation.
Quand le prince sut qu’il ne pouvait espérer sa chère Désirée de plus de trois mois, il fit des plaintes qui affligèrent toute la cour ; il ne dormait plus, il ne mangeait point : il devint triste et rêveur ; la vivacité de son teint se changea en couleur de soucis ; il demeurait des jours entiers couché sur un canapé dans son cabinet à regarder le portrait de sa princesse : il lui écrivait à tous momens et présentait les lettres à ce portrait, comme s’il eût été capable de les lire ; enfin ses forces diminuèrent peu à peu, il tomba dangereusement malade, et pour, en deviner la cause, il ne fallait ni médecins ni docteurs.