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AU BOIS.

sentit alors une douleur sans pareille ; son cœur se serra, elle s’évanouit, et la reine connut les sentimens qu’elle avait pour le prince. « Ne vous affligez point, ma chère enfant, lui dit-elle, vous pouvez tout pour sa guérison ; je ne suis inquiète que pour les menaces que la fée de la fontaine fit à votre naissance. — Je me flatte, madame, répliqua-t-elle, qu’en prenant quelques mesures, nous tromperons la méchante fée : par exemple, ne pourrais-je pas aller dans un carrosse tout fermé, où je ne verrais point le jour ? on l’ouvrirait la nuit pour nous donner à manger ; ainsi j’arriverais heureusement chez le prince Guerrier. »

La reine goûta beaucoup cet expédient, elle en fit part au roi qui l’approuva aussi ; de sorte qu’on envoya dire à Becafigue de venir promptement, et il reçut des assurances certaines que la princesse partirait au plus tôt ; qu’ainsi il n’avait qu’à s’en retourner, pour donner cette bonne nouvelle à son maître, et que pour se hâter davantage, on négligerait de lui faire l’équipage et les riches habits qui convenaient à son rang. L’ambassadeur, transporté de joie, se jeta encore aux pieds de leurs majestés, pour les remercier ; il partit ensuite sans avoir vu la princesse.

La séparation du roi et de la reine lui aurait semblé insupportable, si elle avait été moins prévenue en faveur du prince ; mais il est de certains sentimens qui étouffent presque tous les autres. On lui fit un carrosse de velours vert par dehors, orné de grandes plaques d’or,