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AU BOIS.

que sa santé put le lui permettre, de s’en aller secrètement, et de se rendre dans quelque lieu solitaire pour y passer le reste de sa triste vie.

Il ne communiqua son dessein qu’au fidèle Becafigue ; il était bien persuadé qu’il le suivrait partout, et il le choisit pour parler avec lui plus souvent qu’avec un autre, du mauvais tour qu’on lui avait joué. À peine commença-t-il à se porter mieux, qu’il partit, et laissa une grande lettre pour le roi, sur la table de son cabinet, l’assurant qu’aussitôt que son esprit serait un peu tranquillisé, il reviendrait auprès de lui ; mais qu’il le suppliait en attendant, de penser à leur commune vengeance, et de retenir toujours la laide princesse prisonnière.

Il est aisé de juger de la douleur qu’eut le roi lorsqu’il reçut cette lettre. La séparation d’un fils si cher pensa le faire mourir. Pendant que tout le monde était occupé à le consoler, le prince et Becafigue s’éloignaient, et au bout de trois jours ils se trouvèrent dans une vaste forêt, si sombre par l’épaisseur des arbres, si agréable par la fraîcheur de l’herbe et des ruisseaux qui coulaient de tous côtés que le prince, fatigué de la longueur du chemin car il était encore malade, descendit de cheval et se jeta tristement sur la terre, sa main sous sa tête, ne pouvant presque parler, tant il était faible. « Seigneur, lui dit Becafigue, pendant que vous allez vous reposer, je vais chercher quelques fruits pour vous rafraichir, et reconnaitre un peu le lieu où nous sommes. »