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AU BOIS.

J’ai déjà dit que le prince Guerrier s’était arrêté dans la forêt et que Becafigue la parcourait pour trouver quelques fruits. Il était assez tard lorsqu’il se rendit à la maisonnette de la bonne vieille dont j’ai parlé. Il lui parla civilement, et lui demanda les choses dont il avait besoin pour son maître. Elle se hâta d’emplir une corbeille et la lui donna : « Je crains, dit-elle, que si vous passiez la nuit ici sans retraite, il ne vous arrive quelque accident : je vous en offre une bien pauvre, mais au moins elle met à l’abri des lions. » Il la remercia, il lui dit qu’il était avec un de ses amis, qu’il allait lui proposer de venir chez elle. En effet il sut si bien persuader le prince, qu’il se laissa conduire chez cette bonne femme. Elle était encore à sa porte et sans faire aucun bruit, elle les mena dans une chambre semblable à celle que la princesse occupait, si proche l’une de l’autre, qu’elles n’étaient séparées que par une cloison. Le prince passa la nuit avec ses inquiétudes ordinaires : dès que les premiers rayons du soleil eurent brillé à ses fenêtres, il se leva, et pour divertir sa tristesse, il sortit dans la forêt, disant à Becafigue de ne point venir avec lui. Il marcha long-temps sans tenir aucune route certaine : enfin il arriva dans un lieu assez spacieux, couvert d’arbres et de mousse ; aussitôt une biche en partit. Il ne put s’empêcher de la suivre : son penchant dominant était pour la chasse ; mais il n’était plus si vif de puis la passion qu’il avait dans le cœur. Malgré