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LA BICHE

cela, il poursuivit la pauvre biche et de temps en temps il lui décochait des traits qui la faisaient mourir de peur, quoiqu’elle n’en fût pas blessée : car son amie Tulipe la garantissait. Il ne fallait pas moins que la main secourable d’une fée pour la préserver de périr sous des coups si justes. L’on n’a jamais été si lasse que l’était la princesse des Biches : l’exercice qu’elle faisait lui était bien nouveau ; enfin elle se détourna à un sentier, si heureusement que le dangereux chasseur la perdant de vue, et se trouvant lui-même extrêmement fatigué, ne s’obstina pas à la suivre.

Le jour s’étant passé de cette manière, la biche vit avec joie l’heure de se retirer ; elle tourna ses pas vers la maison où Giroflée l’attendait impatiemment. Dès qu’elle fut dans sa chambre, elle se jeta sur le lit, haletant : elle était toute en nage. Giroflée lui fit mille caresses ; elle mourait d’envie de savoir ce qui lui était arrivé. L’heure, de se débichonner étant arrivée, la belle princesse reprit sa forme ordinaire, jetant les bras au cou de sa favorite : « Hélas ! lui dit-elle, je croyais n’avoir à craindre que la fée de la fontaine et les cruels hôtes des forêts ; mais j’ai été poursuivie aujourd’hui par un jeune chasseur, que j’ai vu à peine, tant j’étais pressée de fuir : mille traits décochés après moi me menaçaient d’une mort inévitable ; j’ignore encore par quel bonheur j’ai pu m’en sauver. — Il ne faut plus sortir, ma princesse, répliqua Giroflée : passez dans cette chambre le temps fatal de votre