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AU BOIS.

pénitence, j’irai dans la ville la plus proche acheter des livres pour vous divertir, nous lirons les contes nouveaux que l’on a faits sur les fées ; nous ferons des vers et des chansons. — Tais-toi, ma chère fille, reprit la princesse, la charmante idée du prince Guerrier suffit pour m’occuper agréablement ; mais le même pouvoir qui me réduit pendant le jour à la triste condition de biche, me force malgré moi de faire ce qu’elles font : je cours, je saute et je mange l’herbe comme elles : dans ce temps-là une chambre me serait insupportable. » Elle était si harassée de la chasse, qu’elle demanda promptement à manger : ensuite ses beaux yeux se fermèrent jusqu’au lever de l’aurore. Dès qu’elle l’aperçut, la métamorphose ordinaire se fit, et elle retourna dans la forêt.

Le prince de son côté, était venu sur le soir rejoindre son favori : « J’ai passé le temps, lui dit-il, à courir après la plus belle biche que j’aie jamais vue ; elle m’a trompée cent fois avec une adresse merveilleuse : j’ai tiré si juste, que je ne comprends point comment elle a évité mes coups : aussitôt qu’il sera jour, j’irai la chercher encore, et ne la manquerai point. » En effet, ce jeune prince, qui voulait éloigner de son cœur une idée qu’il croyait chimérique, n’étant pas fâché que la passion de la chasse l’occupât, se rendit de bonne heure dans le même endroit où il avait trouvé la biche ; mais elle se garda bien d’y aller, craignant une aventure semblable à celle qu’elle avait eue. Il jeta