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LA CHATTE

mais vous ne me paraissez pas une bestiole ordinaire ; le don que vous avez de la parole, et le superbe château que vous possédez, en sont des preuves assez évidentes. — Fils de roi, reprit Chatte Blanche, je te prie, cesse de me faire des complimens, je suis simple dans mes discours et dans mes manières, mais j’ai un bon cœur. Allons, continua-t-elle, que l’on serve, et que les musiciens se taisent, car le prince n’entend pas ce qu’ils disent. — Et disent-ils quelque chose, madame ? reprit il. — Sans doute, continua-t-elle ; nous avons ici des poëtes qui ont infiniment d’esprit, et si vous restez un peu parmi nous, vous aurez lieu d’en être convaincu. — Il ne faut que vous entendre pour le croire, dit galamment le prince ; mais aussi, madame, je vous regarde comme une chatte fort rare. »

L’on apporta le souper, les mains dont les corps étaient invisibles servaient. L’on mit d’abord sur la table deux bisques, l’une de pigeonneaux, et l’autre de souris fort grasses.. La vue de l’une empêcha le prince de manger de l’autre, se figurant que le même cuisinier les avait accommodées ; mais la petite Chatte, qui devina par la mine qu’il faisait ce qu’il avait dans l’esprit, l’assura que sa cuisine était à part, et qu’il pouvait manger de ce qu’on lui présenterait, avec certitude qu’il n’y aurait ni rats, ni souris.

Le prince ne se le fit pas dire deux fois ; croyant bien que la belle petite Chatte ne voudrait pas le tromper. Il remarqua qu’elle avait à sa