Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/599

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chers, elle ne souhaitait point de rester avec eux toute sa vie, et à l’égard de Chéri, elle fondait en larmes quand elle pensait que leur père l’enverrait peut-être écumer les mers, ou qu’il le mènerait à l’armée. C’est ainsi que l’amour, masqué du nom spécieux d’un excellent naturel, s’établissait dans ces jeunes cœurs. Mais à quatorze ans, Belle Étoile commença de se reprocher l’injustice qu’elle croyait faire à ses frères de ne les pas aimer également. Elle s’imagina que les soins et les caresses de Chéri en étaient la cause. Elle lui défendit de chercher davantage les moyens de se faire aimer : « Vous ne les avez que trop trouvés, lui disait-elle agréablement, et vous êtes parvenu à me faire mettre une grande différence entre vous et eux. » Quelle joie ne ressentait-il pas, lorsqu’elle lui parlait ainsi ! Bien loin de diminuer son empressement, elle l’augmentait : il lui faisait chaque jour une galanterie nouvelle.

Ils ignoraient encore jusqu’où allait leur tendresse, et ils n’en connaissaient point l’espèce, lorsqu’un jour on apporta à Belle Étoile plusieurs livres nouveaux, elle prit le premier qui tomba sous sa main ; c’était l’histoire de deux jeunes amants, dont la passion avait commencé se croyant frère et sueur, ensuite ils avaient été reconnus par leurs proches ; et après des peines infinies ils s’étaient épousés. Comme Chéri lisait parfaitement bien, qu’il entendait tout finement et qu’il se faisait entendre de même, elle le pria de lire auprès d’elle pendant qu’elle