Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/606

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sa carrière ; que les grandeurs du monde sont de faux brillants, dont on se laisse éblouir par une fatalité étrange ; et que le plus solide de tous les biens, c’est de savoir se borner, jouir de sa tranquillité, et se rendre sage. »

Le corsaire n’aurait pas fini si tôt ses remontrances, s’il n’eût été interrompu par le prince Heureux : « Mon cher père, lui dit-il, nous avons trop d’envie de découvrir quelque chose de notre naissance pour nous ensevelir au fond d’un désert ; la morale que vous nous établissez est excellente, et je voudrais que nous fussions capable de la suivre : mais je ne sais quelle fatalité nous appelle ailleurs, permettez que nous remplissions le cours de notre destinée, nous reviendrons vous revoir et vous rendre compte de toutes nos aventures. » À ces mots le corsaire et sa femme se prirent à pleurer ; les princes s’attendrirent fort, particulièrement Belle Étoile, qui avait un naturel admirable, et qui n’aurait jamais pensé à quitter le désert, si elle avait été sûre que Chéri y fût toujours resté avec elle.

Cette résolution étant prise, ils ne songèrent plus qu’à faire leur équipage pour s’embarquer : car ayant été trouvés sur la mer, ils avaient quelque espérance qu’ils y recevraient des lumières de ce qu’ils voulaient savoir. Ils firent entrer dans leur petit vaisseau un cheval pour chacun d’eux ; et après s’être peignés jusqu’à s’en écorcher pour laisser plus de pierreries à Corsine, ils la prièrent de leur donner en échange les chaînes de diamants