Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/619

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mieux être affreuse que de hasarder une vie si chère. Je vous conjure de ne plus penser à l’Eau qui danse, et même, si j’ai quelque pouvoir sur vous, je vous le défends. »

Le prince feignit de lui obéir, mais aussitôt qu’il la vit occupée, il monta sur son cheval blanc qui n’allait que par bonds et par courbettes ; il prit de l’argent et un riche habit : pour des diamants il n’en avait pas besoin, car ses cheveux lui en fournissaient assez, et trois coups de peigne en faisaient tomber quelquefois pour un million. À la vérité, cela n’était pas toujours égal ; l’on a même su que la disposition de leur esprit et celle de leur santé, réglait assez l’abondance des pierreries. Il ne mena personne avec lui pour être plus en liberté, et afin que si l’aventure était périlleuse, il pût se hasarder sans essuyer les remontrances d’un domestique zélé et craintif.

Quand l’heure du souper fut venue et que la princesse ne vit point paraître son frère Chéri, l’inquiétude la saisit à tel point, qu’elle ne pouvait ni boire ni manger : elle donna des ordres pour le faire chercher partout. Les deux princes ne sachant rien de l’Eau qui danse, lui disaient qu’elle se tourmentait trop, qu’il ne pouvait être éloigné, qu’elle savait qu’il s’abandonnait volontiers à de profondes rêveries, et que sans doute il s’était arrêté dans la forêt. Elle prit donc un peu de tranquillité jusqu’à minuit, mais alors elle perdit toute patience, et dit en pleurant à ses frères que c’était