Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/627

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autre chose encore, car elle embellit l’esprit à tel point, qu’il n’y a rien dont on ne soit capable. Veut-on persuader quelque chose, il n’y a qu’à sentir la Pomme qui chante. Veut-on parler en public, faire des vers, écrire en prose, divertir, faire rire ou faire pleurer, la Pomme a toutes ces vertus, et elle chante si bien et si haut, qu’on l’entend de huit lieues sans en être étourdi.

« Je n’en veux point, s’écria la princesse, vous avez pensé faire périr mon frère avec votre Eau qui danse, vos conseils sont trop dangereux.

— Quoi ! madame, répliqua Feintise, vous seriez fâchée d’être la plus savante et la plus spirituelle personne du monde ? En vérité, vous n’y pensez pas.

— Ha ! qu’aurais-je fait, continua Belle Étoile, si l’on m’avait rapporté le corps de mon cher frère mort ou mourant ?

— Celui-là, dit la vieille, n’ira plus, les autres sont obligés de vous servir à leur tour, et l’entreprise est moins périlleuse.

— N’importe, ajouta la princesse, je ne suis pas d’humeur à les exposer.

— En vérité je vous plains, dit Feintise, de perdre une occasion si avantageuse, mais vous y ferez réflexion, adieu, madame. » Elle se retira aussitôt, très inquiète du succès de sa harangue, et Belle Étoile demeura aux pieds de la statue de Diane, irrésolue sur ce qu’elle devait faire ; elle aimait ses frères ; elle s’aimait bien aussi : elle comprenait que rien ne pouvait lui faire un plus sensible plaisir, que d’avoir la Pomme qui chante.