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BLEU.

d’un style fort tendre et fort galant. L’on dit au roi que la princesse qu’il avait vue le priait d’être son chevalier, et qu’elle lui envoyait ce présent. À ces mots, il osa se flatter que c’était celle qu’il aimait. « Quoi ! la belle princesse Florine, s’écria-t-il, pense à moi d’une manière si généreuse et si engageante ? — Seigneur, lui dit-on, vous vous méprenez au nom ; nous venons de la part de l’aimable Truitonne. — C’est Truitonne qui me veut pour son chevalier, dit le roi d’un air froid, et sérieux, je suis fàché de ne pouvoir accepter cet honneur ; mais un souverain n’est pas assez maître de lui pour prendre les engagemens qu’il voudrait. Je sais ceux d’un chevalier, je voudrais les remplir tous ; et j’aime mieux ne pas recevoir la grâce qu’elle m’offre, que m’en rendre indigne. » Il remit aussitôt le cœur, la chaîne et le livre dans la même corbeille ; puis il envoya tout chez la reine, qui pensa étouffer de rage avec sa fille, de la manière méprisante dont le roi étranger avait reçu une faveur si particulière.

Lorsqu’il put aller chez le roi et la reine, il se rendit dans leur appartement : il espérait que Florine y serait ; il regardait de tous côtés pour la voir. Dès qu’il entendait entrer quelqu’un dans la chambre, il tournait la tête brusquement vers la porte ; il paraissait inquiet et chagrin. La malicieuse reine devinait assez ce qui se passait dans son âme, mais elle n’en faisait pas semblant. Elle ne lui parlait que de parties de plaisir ; il lui répondait tout de travers ;