Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
L’OISEAU

dans les chambres ; mais la crainte que Truitonne ne l’aperçût, et ne se doutât que c’était lui, l’empêchait de faire ce qu’il aurait voulu. Il y va de ma vie, disait-il en lui-même ; si ces mauvaises princesses découvraient où je suis, elles voudraient se venger ; il faudrait que je m’éloignasse, ou que je fusse exposé aux derniers dangers. Ces raisons l’obligèrent à garder de grandes mesures, et d’ordinaire il ne chantait que la nuit.

Il y avait vis-à-vis de la fenêtre où Florine se mettait, un cyprès d’une hauteur prodigieuse ; l’Oiseau Bleu vint s’y percher. Il y fut à peine, qu’il entendit une personne qui se plaignait, « Souffrirai-je encore long-temps, disait-elle ? La mort ne viendra-t-elle point à mon secours ? Ceux qui la craignent ne la voient que trop tôt ; je la désire, et la cruelle me fuit. Ah ! barbare reine, que t’ai-je fait, pour me retenir dans une captivité si affreuse ? N’as-tu pas assez d’autres endroits pour me désoler. Tu n’as qu’à me rendre témoin du bonheur que ton indigne fille goûte avec le roi Charmant ! » L’Oiseau Bleu n’avait pas perdu un mot de cette plainte, il en demeura bien surpris, et il attendait le jour avec la dernière impatience pour voir la dame affligée ; mais avant qu’il vînt, elle avait fermé la fenêtre et s’était retirée.

L’Oiseau curieux ne manqua pas de revenir la nuit suivante ; il faisait clair de lune ; il vint une fille à la fenêtre de la tour, qui commençait ses regrets. « Fortune, disait-elle, toi qui