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Page:Aulnoy - Les contes choisis, 1847.djvu/111

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LE MOUTON

point des animaux aussi doux et pacifiques que nous. — Quel prodige ! des moutons qui parlent ! — Ah ! madame, reprit-il, votre guenon et votre doguin parlaient si joliment, avez-vous moins de sujet de vous en étonner ? — Une fée, répliqua Merveilleuse, leur avait fait don de la parole. — Peut-être qu’il nous est arrivé quelque aventure semblable, répondit le mouton en souriant à la moutonne. Mais, ma princesse, qui conduit ici vos pas ? — Mille malheurs, seigneur mouton, lui dit-elle, je suis la plus infortunée personne du monde ; je cherche un asile contre les fureurs de mon père. — Venez, madame, répliqua le mouton, venez avec moi, je vous en offre un qui ne sera connu que de vous, et vous y serez la maîtresse absolue. — Il m’est impossible de vous suivre, dit Merveilleuse ; je suis si lasse que j’en mourrais.

Le mouton aux cornes dorées commanda qu’on fût quérir son char. Un moment après l’on vit venir six chèvres attelées à une citrouille d’une si prodigieuse grosseur, que deux personnes pouvaient s’y asseoir très commodément. La citrouille était sèche, il y avait dedans de bons carreaux de duvet et de velours partout. La princesse s’y plaça, admirant un équipage si nouveau. Le maître mouton entra dans la citrouille avec elle, et les chèvres coururent de toute leur force jusqu’à une caverne, dont l’entrée se fermait par une grosse pierre. Le mouton doré la toucha avec son pied, aussitôt elle tomba. Il dit à la princesse d’entrer sans crainte ; elle croyait que cette caverne n’avait rien que d’affreux, et si elle eût été moins alarmée, rien n’aurait pu l’obliger de descendre ; mais dans la force de son appréhension, elle se serait même jetée dans un puits.